La séance elle-même :

Mais quels vont être ces trois coups qui marqueront le passage du quotidien à ce temps hors du temps qu’est la séance ? Les trois coups que frappe la soumise qui vient se livrer a toi sur la porte de ton appartement ? C’est une bonne idée lors d’un scénario élaboré à l’avance. Plus complexe est la situation où quotidien et temps BDSM cohabitent au sein du couple. Dans la page sur le tu/vous j’avais évoqué la possibilité d’utiliser ces marqueurs linguistiques comme balises temporelles, d’autres solutions existent comme un changement de ton, de façon de s’adresser à la soumise. Mettre un bandeau sur les yeux de la soumise est aussi une des solutions, d’autant que cela lui facilite le passage dans son monde intérieur. Là est le point crucial. Peu importe la forme, l’important est que, comme au théâtre où, lorsque les trois coups sont frappés, les acteurs oublient leurs tracas quotidiens pour devenir leur personnage, chacun fasse abstraction de tout pour être la soumise et le Maître. Que tu sois préoccupé par ton pantalon en cuir trop serré, ou ta déclaration d’impôts ; qu’elle se focalise sur sa coiffure ou de sa voiture mal garée et la magie n’opérera pas. Que l’un de vous ne soit pas là pour donner les bonnes répliques à l’autre et c’est toute la séance qui partira de travers. Pour que la séance soit effectivement ce temps hors du temps qu’elle doit être, il faut que chacun arrive à s’extraire des contingences du quotidien et ne se laisse pas parasiter par des problèmes annexes même les plus triviaux ; que ce soit la faim, le froid, ce que vont entendre les voisins ou je ne sais quoi d’autre. C’est une des difficultés des séances en soirée publique que d’arriver mentalement à s’isoler, faute d’y parvenir la séance perdra grandement en intensité.

Dans l’introduction de ce site, j’annonce une règle intangible : « sûr, sain, consensuel ». S’il est bien une situation où tu dois constamment la garder à l’esprit c’est bien la séance. Ce que tu comptes faire durant la séance tu dois savoir le faire parfaitement et en maîtriser toutes les finesses. Elle a envie que tu lui fasses une suspension, alors que tu as peu d’expérience en shibari et ne connais rien aux suspensions et bien apprends et après tu pourras lui offrir ce plaisir. Sinon estime-toi heureux si elle ne conserve qu’un souvenir exécrable de votre séance et n’en garde aucune blessure. Pense sécurité avant de penser plaisir. Tu as envie d’épater la galerie en soirée avec ton nouveau fouet tout juste acheté sur e-bay, serais-tu devenu un bouffon ? En tout cas, c’est pour cela que tu passeras aux yeux de tes pairs. Ce que tu fais, fais le pour toi, pour elle, non pour frimer devant les copains.

N’écoute pas ceux qui pour masquer leur fainéantise et leurs propres incompétences te font le plan : « la technique ne sert à rien c’est même un frein aux sensations ». C’est vrai que la technique n’est surtout pas le but en soi, le but ce sont les sensations que tu offres à ta soumise le plaisir que vous prenez ensemble. Quelles sensations aura ta victime, si à chaque coup de fouet elle se crispe se demandant quels ravages tu vas encore commettre? Quel plaisir prendras-tu si tu es empêtré dans des écheveaux de cordes ? Le plaisir ne sera au rendez-vous qu’une fois la technique maîtrisée, alors là, tu pourras te concentrer sur l’essentiel. C’est lorsque tes mains seront devenues le fouet, la corde, que ton cerveau enfin libéré des contingences matérielles, pourra entrer en osmose avec celui de ta complice. Et oui cela demande des efforts auxquels tu ne peux te dérober. Pour maîtriser à fond certaines techniques tu vas devoir apprendre (tu trouveras quelques informations utiles à la rubrique sac de voyage), t’entraîner, y consacrer du temps. C’est trop pour toi ? Et elle combien de temps exiges-tu qu’elle consacre à suivre tes règles à appliquer tes consignes ? Si tu n’es pas capable de t’investir au moins autant qu’elle c’est que tu n’es qu’un gamin capricieux, assurément pas un Maître, retourne donc jouer dans ton bac à sable tu y seras moins délétère.

Progressivement ta partenaire va s’abandonner entre tes mains et peut être entrer dans sa bulle, le fameux « subspace ». C’est à toi de garder tous tes sens en éveil prêts à détecter tout problème. Certes vous avez convenu d’un safeword, mais aura-elle la lucidité, le courage de le prononcer ? A toi de savoir interpréter ses réactions, ce que les spécialistes appellent les « messages non verbaux », afin d’adapter ton jeu à celles-ci. N’hésite pas à lui caresser les mains, pas uniquement lorsque tu veux vérifier que tes liens ne sont pas trop serrés, mais pour voir comment elle répond à ta caresse, y sens-tu de la peur, de l’hésitation ou au contraire un doux abandon ? Écartes une de ses paupières, qu’y vois-tu de l’angoisse ou au contraire as tu la récompense d’y voir du plaisir ? Profite d’une respiration dans la séance pour lui demander comment elle se sent, si tu sais choisir le bon moment cela ne cassera pas la magie.

Tu la sens se crisper, n’insiste pas. Même si vous étiez d’accord, tout ce que tu risque c’est de la bloquer, voire de déclencher le fameux safeword. Reviens à des choses plus calmes, laisse-lui le temps de se ressaisir. Tu essayeras à nouveau un peu plus tard. Si cela ne passe toujours pas et bien n’insiste pas, adapte-toi. Le scénario n’est qu’un fil conducteur certainement pas quelque chose d’immuable. Certes elle avait accepté cela lors de vos discussions et là au pied du mur elle cale, avait-elle présumé de ses forces ou simplement n’est-elle pas en forme. Elle en a le droit c’est un être humain non un robot ou un fantasme, comme toi elle a des jours avec et des jours sans, à toi de les respecter comme tu veux qu’on respecte les tiens. D’ailleurs qui sait si elle ne cale pas simplement car tu n’as pas su la conduire correctement vers ce moment ? C’est peut être toi qui n’es pas en forme après tout. L’important est de ne pas se focaliser sur ce blocage de savoir glisser en douceur dessus. Il sera tout aussi important d’en discuter ouvertement une fois la séance terminée.

Tout s’enchaîne à merveille du coup tu as envie de dépasser les limites acceptées. C’est un jeu dangereux, certes tout peut se passer pour le mieux, mais cela peut rompre le charme et entraîner une réaction de rejet de sa part. Si elle peut s’abandonner à toi c’est qu’elle est en confiance, en dépassant les limites du consensus tu la trahis. Ne rêve pas, même si, dans le feu de l’action, elle ne dit rien, elle le notera dans un coin de son esprit et les fois suivantes son abandon sera moins profond une part d’elle étant sur ses gardes. Tu as quand même envie de transgresser vos accords alors demande lui si elle s’y sent prête. Pas besoin d’arrêter la séance juste une petite question glissée au creux de l’oreille à laquelle elle te répondra peut-être d’un oui tremblant d’envie

Même les meilleures choses ont une fin, il va être temps que vous redescendiez sur terre. Hormis le cas de l’atterrissage en catastrophe provoqué par l’explosion du safeword de la soumise, la fin de séance ne se fait pas sur un coup de tête. Comme pour un film si la fin est ratée c’est au final l’ensemble de la séance qui paraîtra terne. Libre a toi de choisir de finir la séance par un bouquet final, apothéose, orgasme libératoire, ou au contraire, d’entamer une descente progressive vers la réalité tout en douceur, apaisement des deux amants comblés. A toi de choisir le dernier acte en conséquence pour conduire ta partenaire de façon fluide vers cette fin. Pour que le bouquet final soit vraiment une explosion des sens il faut que le dernier acte ait été le plus intense le plus fort, le fouet est parfaitement adapté a ce type de final par la progression en intensité qu’il offre et par une fin « cut » qu’il permet. À l’opposé les cordes et leur lent dénouement permettent une fin progressive où les caresses peuvent progressivement prendre leur place amorçant la phase suivante.