Vous ou tu ?

Le BDSM vit avec quelques années de retard le débat qui a eu lieu au sein de la société civile et des entreprises où le « vous » a progressivement perdu du terrain au profit du « tu ».

Comment une soumise doit-elle s’adresser à son Maître ? Doit-elle dire « vous » ou peut-elle dire « tu » ? Question qui agite périodiquement les forums Internet, toujours source de débats passionnés faute d’être passionnants, véritable bataille d’Hernani, transformant une banale question linguistique en querelle entre anciens et modernes.

Si la position des tenants de la « soumise carpette », qui exigent le vouvoiement d’une soumise qu’ils tutoient pour bien lui faire sentir sa condition de « chienne », relève d’un folklore BDSM sans grand intérêt, les autres positions méritent qu’on s’y attarde quelques instants.

Les classiques argumenteront que le « vous » étant le marqueur linguistique du respect que doit le subalterne à son supérieur, la soumise ne peut s’adresser qu’ainsi à son Maître. Par symétrie le Maître vouvoiera alors sa soumise tant pour lui signifier en retour son respect que pour lui rappeler la distance qui les sépare.

Les modernes argumenteront qu’ils vouvoient couramment des gens qu’ils méprisent et que pour eux le vous est plus un marqueur linguistique de distance. Il préfèreront donc l’emploi du « tu » plus propre à favoriser la complicité qui existe au sein du couple Maître/soumise.

On voit que derrière cette querelle linguistique s’expriment deux visions de la relation BDSM. Par son côte « vielle France » le « vous » correspond plutôt à une vision théâtralisée de la relation où chacun est dans un rôle ; par son coté « convivial » le « tu » correspond plutôt à une vision complice de la relation. Mais cette querelle a-t-elle lieu d’être ? Le « tu » et le « vous » ne sont finalement que des conventions de langage auxquels il ne faut pas donner plus d’importance qu’elles n’en méritent, l’important c’est le vécu de la relation, à chacun de trouver le marqueur linguistique qui corresponde le mieux à son état d’esprit.

Il peut cependant être intéressant d’utiliser le « tu » et le « vous » non plus comme des marqueurs linguistiques mais comme des balises linguistiques des différents temps de la relation, le « tu » balisant les moments de vie quotidienne, le « vous » balisant l’entée dans un temps fort (jeux, punitions..) à chacun de positionner ces balises en fonction de ses envies.