L’avant séance :Aucun directeur de troupe ne propulserait sur scène des acteurs qui ne se seraient jamais rencontrés en leur demandant d’improviser une pièce de théâtre, il sait qu’ils courraient au fiasco. Alors, avant de monter en scène, même pour une courte séance, il est impératif de s’accorder le temps de se découvrir. Il est certes fondamental de préciser les envies et les limites (réelles ou du moins énoncées) de chacun pour cette séance. Il est important de connaître le parcours de l’autre, des listes de pratiques traînent sur Internet, elles n’ont d’intérêt que d’être un prétexte au dialogue non un substitut à ce dernier. Il est de la plus élémentaire prudence de s’enquérir des blocages et des problèmes de santé dont pourrait souffrir la soumise. Il est sage de convenir d’un safeword, voir d’un code de couleurs. Cela ne suffit pas, entre deux quasi-inconnus, l’avant séance doit surtout permettre de voir si le feeling passe et si la confiance réciproque s’établit. Sans ces deux éléments, la séance sera au mieux insipide. N’essayez pas de bâtir un scénario précis, vous ne pouvez pas encore prédire les réactions de votre partenaire avec suffisamment de précision pour cela. Soyez réalistes et contentez-vous de définir un cadre, ce sera au Maître de savoir naviguer au mieux à l’intérieur de celui-ci, un exercice pas forcément évident qui nécessite écoute et expérience, mais qui est toujours stimulant pour l’esprit. Les acteurs se connaissent bien ! Parfait, quel sera le programme ce soir, improvisation libre ? Scénario complexe ayant nécessité une préparation minutieuse voire l’intervention d’autres acteurs ? Qui sera l’initiateur ? Le Maître ou la soumise ? Oui la soumise peut tout à fait prendre l’initiative, ceux qui en douteraient encore peuvent lire le très beau texte écrit sur ce sujet par l’ami Khayyâm. La préparation d’une séance, aussi simple soit-elle, est un moment passionnant. C’est chercher à anticiper les réactions de l’autre, c’est être le scénariste de ces moments de plaisir qu’on lui offrira, bref c’est l’avoir en esprit à ses côtés dans une dynamique de construction. En premier lieu il faudra se faire analyste s’interroger sur le but de la séance, Cela semble être une évidence, mais beaucoup semblent l’oublier. Veut-on s’offrir et lui offrir un moment agréable à deux ? Veut-on faire passer un message à son/sa partenaire ? Veut-on explorer de nouvelles sensations (physiques ou mentales) voire faire passer un blocage ? Veut-on faire franchir une étape dans la relation ou marquer ce passage par une cérémonie ? Il peut y avoir milles raisons d’organiser une séance, mais celles-ci doivent être analysées, si l’on veut pouvoir bâtir un scénario cohérent, seul moyen d’atteindre son objectif. Il faudra ensuite se faire scénariste de la séance. Cela demande de l’imagination certes mais surtout un grand sens de la mesure. Il faudra savoir mettre entre parenthèse ses fantasmes ou du moins les adapter au mieux aux conditions réelles et aux envies de l’autre. L’arrivée d’O à Roissy fait fantasmer plus d’un Maître, plus d’une soumise mais lorsque l’on habite un modeste F2 et que l’on a aucun ami possédant Rolls-Royce avec chauffeur, rien ne sert de rêver à une super production hollywoodienne. Il y a de nombreuses façons d’en recréer l’ambiance et les émotions avec des moyens bien plus modestes (en voici un exemple). Inutile de vouloir faire rejouer la scène du bal masqué vue dans « eyes wide shut » à une soumise dont la pudeur lui rendrait insupportable la nudité en public, par contre pourquoi ne pas en réutiliser la bande son (Jocelyn Pook album Flood) qui fait un fond sonore parfait en ouverture de séance. Tout scénariste te le dira : une pièce un film, c’est une construction qui s’articule autour de « nœuds dramatiques majeurs », moments clef de l’action, véritables caps, qui tout en faisant monter l’intensité dramatique, guident vers le dénouement. Que tu veuilles établir le canevas pour une séance assez simple ou écrire le scénario d’une séance complexe, il faudra dans un premier temps définir les temps forts de la séance (les noeuds dramatiques majeurs du scénariste) et en établir l’ordre afin que la progression soit cohérente. Ensuite seulement, il faudra réfléchir aux temps plus calmes, qui permettront de glisser d’un temps fort à l’autre sans heurts. Sans ces respirations entre les temps forts, la séance apparaîtrait chaotique et tu passeras pour un stakhanoviste du SM. Le scénario est rédigé, tu brûles d’impatience de le réaliser … moteur action.. STOP ! Voilà fin prêt ? Un peu de trac ? C’est normal, seuls les inconscients peuvent débuter une séance sans une pointe de trac, même les Sociétaires de la Comédie Française en ont au moment de monter sur scène. Un petit verre pour te donner du cœur à l’ouvrage ? Hors de question. Dans quelques minutes, vous allez approcher des limites, les tiennes, celles de ta partenaire, vous aurez besoin d’avoir vos sens en éveil, alors que tu sois soumise ou Maître hors de question d’absorber quoi que ce soit qui modifie tes perceptions, physiques ou mentales, c’est à jeun que vous devez aborder la séance. C’est une règle de sécurité absolue. Finalement le trac n’est-il pas un des piments de la chose et ce qui pousse à se dépasser? Alors pas de panique, il disparaîtra dans l’action, il est temps d’y aller. Les trois coups sont frappés le rideau s’ouvre. … |