Le téléphone :

« On se téléphone ? » mots anodins dans la vie quotidienne, mais qui prennent, là, une toute autre dimension. L’autre va cesser d’être un pseudo sur un écran mais devenir une voix, il/elle va prendre soudain une matérialité et c’est toute la relation en devenir qui change de nature, tu quittes le mode du virtuel pour faire un premier pas dans le monde réel. Passer au dialogue par téléphone, c’est découvrir la voix de l’autre, son timbre, ses intonations, c’est palper ses silences, ses hésitations, le dialogue se fera alors plus proche plus intime, amorce d’une complicité lorsque tout se passera bien, cela pourra être le début des doutes face à l’autre lorsque le contact aura du mal à s’établir.

C’est souvent le futur Maître qui proposera de passer du chat au téléphone, si effectivement cette demande vient après un dialogue conséquent qui semble ne plus progresser, celui-ci ayant épuisé tout ce que peut apporter un tel mode de communication par écran interposé ; elle est alors légitime.

Lorsque cette demande survient juste après quelques échanges succincts et que le prétexte est « de vérifier que tu es une femme », de prime abord, vu le nombre conséquent d’hommes se faisant passer pour une femme, cela semble justifié, il n’en est rien.

Faire ne telle demande prouve que celui qui l’a émis n’a pas réellement mis toute son attention dans le dialogue. Certes les fantasmeurs déguisés en femme sont nombreux, mais il est aisé dans la majorité des cas de les démasquer ; leur dialogue tourne vite autour du nœud de leurs fantasmes et rapidement leurs questions révèlent plus un intérêt pour le factuel de la relation qu’une envie de découvrir l’autre.

Faire une telle demande dénote aussi quelqu’un impatient de trouver l’autre, peu importe laquelle, pourvus qu’elle dise oui, la vérification du sexe n’étant alors qu’un alibi utilisé pour brusquer les choses à fuir !

Souvent les futures soumises hésitent à passer au dialogue par téléphone. Un petit contingent est constitué de fantasmeuses pour qui le dialogue est le support nécessaire aux « films qu’elles se font » et qui à l’évocation du téléphone disparaîtront quitte à réapparaître quelques jours plus tard sous le même pseudonyme ou un autre.

Pour celles qui désirent réellement franchir le pas le passage au dialogue par téléphone semble plus stressant que pour les hommes. Apparemment, dès ce stade, les candidates soumises mesurent les implications futures de leurs choix et semblent bien plus conscientes que les candidats Maîtres des bouleversements que cette relation engendrera dans leur vie.

Certaines semblent craindre que, si elle acceptent de dialoguer par téléphone, l’autre y voie une acceptation implicite de la relation ; même si cette peur est infondée, on ne peut les blâmer devant l’attitude possessive qu’affichent certains dès les premiers mots échangés.

Le passage au dialogue par téléphone est une étape importante dans la découverte de l’autre, découverte de la femme ou de l’homme bien plus que du futur Maître ou de la future soumise. S’il ne faut pas brusquer les choses, il ne faut pas tomber dans le travers inverse, à mon sens encore plus délétère qui serait de reporter constamment cette étape par peur, de soi, de l’autre, au risque de voir les liens déjà tissés se diluer par lassitude.

Il ne faut pas avoir peur de ce dialogue, accepter de discuter c’est juste accepter de découvrir l’autre sans fard ou au contraire découvrir qu’il est incapable de tomber le masque, c’est l’apercevoir en action, voir si les belles paroles d’écoute, de respect, d’engagement ne sont pas que des coquilles vides, ou au contraire si elles se traduisent au niveau de son attitude lors des discussions.

Le téléphone est une étape, déjà plus du virtuel mais pas encore le saut dans le monde réel, comme le chat, il ne faut pas en attendre plus qu’il ne peut donner. Il est temps de rencontrer celui/celle qui aura su sortir du lot sans le filtre d’un quelconque média électronique.